Rassurez-vous, je ne suis pas devenue grossière 😉 Expression issue à la base du Jeu de Rôle, le « Ta Gueule c’est Magique » (ou TGCM, c’est moins long à écrire 😉 ) intervient pour justifier une erreur ou incohérence dans une œuvre (sous entendu : c’est magique, ça n’a pas besoin d’être crédible).
Cette expression sert souvent d’argument dans trois cas de figure, même si je pense que, bien utilisé, le TGCM peut aussi avoir des côtés intéressants, notamment pour montrer qu’on ne peut pas tout savoir :
- 1 – Auteur. ice : « Mais non, ce n’est pas une incohérence ! C’est de la magie, t’y connais rien
(Jon Snow). Non, je ne changerai rien ! «
- 2 – Fan : » Non, mais si t’es pas content, t’as qu’à faire ton propre truc, on verra si tu fais mieux ! Puis c’est magique, c’est normal que ce soit pas réaliste ! »
- 3 – Néophyte : « Non, mais de toute façon, faire de l’imaginaire, c’est trop facile ! Vous écrivez ce qui vous passe par la tête sans rien expliquer/sans faire de recherche, et voilà ! Tout le monde peut le faire, ça n’a pas d’intérêt ».
Cas n°1 : l’auteur.ice
On observe généralement ce cas quand on propose une béta-lecture à un.e jeune auteur.ice, pas encore habitué.e à recevoir des avis critiques autres que les « j’adore ! » de Tata Paulette. Pas évident d’admettre qu’il y a une incohérence alors qu’on croit tellement à notre projet !
En effet, il ne faut pas confondre incohérence interne (liée à l’univers fictif) et la correspondance exacte à notre réel. Par exemple, à moins que ce ne soit justifié dans le récit (que ça fasse partie des règles de l’univers), un personnage doit rester un minimum cohérent dans ses actions et sa psychologie. Ce n’est pas parce que c’est de l’imaginaire qu’on peut se permettre de faire ce qu’on veut (même les Annales du Disque Monde, qui est un univers plutôt délirant, reste cohérent avec lui-même).
Dans un récit, l’élément n’est pas forcément une incohérence, il peut simplement s’agir d’un soucis de clarté ou un manque d’informations. Et il arrive parfois aux béta-lecteurs de voir une incohérence interne là où il s’agit simplement d’une différence de point de vue entre elleux et les auteur.ices.
Cas n° 2 : le fan
Celui-ci, on le rencontre généralement sur les chroniques youtube ou sur des blogs. Quand iel aime une œuvre, il arrive que le fan ne supporte pas d’admettre qu’elle ne soit pas absolument parfaite, jusqu’à justifier les incohérences pointées par un TGCM.
Il y a certaines œuvres que j’adore, mais qui sont objectivement bourrées de défaut. Et c’est pas grave ! On aime bien les gens malgré (ou avec ?) leurs défauts, après tout. Eh bien là c’est pareil. Ces défauts peuvent ne pas être gênantes pour nous, on ne pas en être à nos yeux.
Cas n°3 : le néophyte
J’en rencontre régulièrement sur des forums ou sur des pages facebook consacrées à la lecture ou à l’écriture. Il s’agit généralement d’une personne qui ne connait pas l’imaginaire, et qui se permet de se montrer méprisante à cause de ses préjugés. Ainsi, le néophyte dira à un.e auteur.ice de l’imaginaire que son travail n’a aucun intérêt puisqu’il n’y en a pas de travail (ben oui, c’est magique ! suffit d’un peu d’imagination et pouf ! ça fait des chocapics un livre !). Le TGCM devient ici un moyen de décrédibiliser tout un genre.
C’est vrai, j’ai déjà rencontré des éléments qui tenaient un peu du TGCM dans des œuvres publiées/sorties au cinéma, mais ces éléments restent minoritaires par leur nombre et leur importance. On peut ne pas aimer, mais (oui, je sais je l’ai déjà dit) imaginaire n’est pas synonyme d’incohérence (puisque ce qui importe, c’est la cohérence interne).
En bref
Les auteur.ices ne devraient pas se contenter d’un TGCM car ça peut être le signe qu’il manque une information ou qu’il existe une incohérence interne dans son récit.
Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un récit imaginaire qu’il peut être écrit à la va vite, sans se fouler pour faire en sorte que les lecteur.ices y croient un minimum. Pour qu’iels puisent apprécier le récit, il faut leur permettre de suspendre leur incrédulité.
CEPENDANT, et c’est comme tout, c’est une question de dosage. Le TGCM peut ainsi être approprié dans un univers sciemment délirant, ou pour illustrer le fait qu’on est loin de comprendre complètement comment fonctionne notre propre univers.
Attention par ailleurs de ne pas aller trop loin dans les explications. On reste dans l’imaginaire, après tout. Est-ce utile de disséquer un dragon pour expliquer au lecteur comment il vole, comment il crache du feu ? Est-ce utile d’expliquer avec force diagrammes comment le vaisseau passe vitesse lumière ?
En résumé, il faut suffisamment d’explications pour rendre l’univers cohérent et crédible, mais suffisamment de magie pour que ça reste merveilleux et fun 😉
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Oh oui ! Les fans à l’argumentaire ultra développé… mes préférés.
Tout à fait d’accord pour garder une part de magie tout en restant dans la logique d’un univers. J’écris rarement sans faire des recherches même si je doute d’être une référence question cohérence !
Et certains Deus Ex Machina peuvent-ils être apparenter à des TGCM à ton avis ?
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C’est ca, on ne peut pas tout expliquer (et je crois qu’on ne le doit pas) mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi avec la cohérence ^^ pour ta question sur les deus, c’est généralement une facilité plutôt qu’une véritable incohérence, je pense (un article est prévu, mais je ne sais pas encore quand^^)
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