
Chiens de guerre
Auteur : Adrian Tchaikovsky, Britannique
Science-fiction postcyberpunk, One-shot
Vo : 2017
VF : 2019, Editions Denoël (coll Lunes d’Encre) ; 2021, Gallimard (Folio SF Poche)
Traduction : Henry-Luc Planchat
Illustration : Aurélien Police
TW : morts, violence
Je m’appelle Rex. Je suis un bon chien.
Rex est un bon chien. C’est un biomorphe, un animal génétiquement modifié, armé de fusils mitrailleurs de très gros calibre et doté d’une voix synthétique créée pour instiller la peur. Avec Dragon, Miel et Abeilles, son escouade d’assaut multiforme, il intervient sur des zones de combat où les humains ne peuvent se risquer. Rex est un bon chien. Il obéit aux ordres du Maître, qui lui désigne les ennemis. Et des ennemis, il y en a beaucoup. Mais qui sont-ils réellement ? Se pourrait-il que le Maître outrepasse ses droits ? Et si le Maître n’était plus là ? Rex est un bon chien. Mais c’est surtout une arme de guerre hautement mortelle. Que se passerait-il s’il venait à se libérer de sa laisse ?
Mon avis
Dans un futur proche, les humains ont su faire évoluer leurs biotechnologies. Les biomorphes sont des créatures à base animale, mais « améliorées » jusqu’à obtenir de parfaits soldats. Intelligents, obéissants (enfin… apparemment les biomorphes chats, ça fonctionne pas trop de ce côté là), capables de parler, et surtout, de parfaites machines à tuer. Presque littéralement pour le coup, car les biomorphes semblent un mélange d’animaux, d’humains et de technologies.
Le récit nous propose plusieurs points de vue, mais l’un s’avère plus marquant que les autres. Celui de Rex, biomorphe chien qui accomplit ses missions avec rigueur (c’est un bon chien !), et qui s’exprime au présent, à la première personne, dans un langage presque enfantin, ce qui donne l’impression d’un enfant qui écrirait sa journée et ses pensées dans un journal intime. Une narration qui vient apporter un contraste saisissant à l’action : Rex ne conscientise pas ses actes, le maître a demandé, il fait, parce que c’est un bon chien et qu’il veut faire plaisir au maître. Sauf que le lecteur comprend que Rex et son équipe sont des soldats en zone de guerre, et qui dit guerre, dit massacres. Je trouve ce contraste entre la façon de raconter et ce qui est raconté particulièrement efficace, alors même que les récits militaires, c’est pas forcément mon truc (oui, j’adore le Livre des Martyrs et la Compagnie Noire, mais c’pas pareil !).
Rex est le leader de son équipe, probablement en raison justement de cette obéissance naïve. Il est accompagné de Miel, une ourse extrêmement intelligente, au point qu’elle soit capable de réfléchir sur la portée et la moralité de leurs actes, de Dragon, un lézard plutôt indépendant, et Abeilles, qui est probablement mon biomorphe préféré, puisque Abeilles est un essaim (d’abeilles, donc). La narration, et cette équipe de personnages, rendent la première partie intéressante à suivre, mais on réalise assez vite que la dimension militaire ne sera pas le seul propos du livre.
Sans entrer dans trop de détails pour ne pas spoiler, la suite part dans une autre direction, nous proposant plusieurs axes de réflexion. Les crimes de guerre, bien sûr, comment considérer les crimes commis par Rex et son équipe alors que leur conditionnement les a privés de libre arbitre et de sens critique ? Sont-ils réellement responsables ? Comment intégrer de tels êtres dans société ? Faut-il seulement les y intégrer ? Et les biotechnologies, alors, qu’en penser ? Jusqu’où l’humain est-il capable d’aller ? Que devient-on quand on est soudain confrontés à nos erreurs et à la liberté de choix ? Quelle est la frontière entre l’humain et l’animal ? Quel est le PIB du Mexique ?
Au-delà de ces questionnements, l’auteur confronte aussi certains travers de nos sociétés actuelles, telle que les discriminations subies par les « minorités » à travers le traitement des biomorphes, ou encore la cupidité meurtrière des puissants.
Bilan
Si le livre me faisait « peur » en raison de sa catégorisation militaire, cela ne concerne finalement que la première partie du livre, le reste étant plutôt consacré à la réflexion sur l’identité, le libre-arbitre, la moralité etc, ce qui, personnellement, m’a davantage intéressée. Les biotechnologies qui y sont présentées sont à la fois fascinantes et terrifiantes, et malgré leur nature (ou grâce à ?) je me suis vite attachée à ces personnages atypiques qui cherchent leur place. Je n’ai pas tellement de référence puisque je lis peu de SF, mais j’ai beaucoup apprécié cette lecture, que j’ai trouvé originale et très riche dans ses thématiques.
Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?
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