L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk

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L’homme qui savait la langue des serpents est un roman de fantasy mêlant Réalisme magique et Uchronie, écrit par l’auteur estonien Andrus Kivirähk, publié en 2007 en version original, 2013 en France par le Tripode.

J’avais déjà entendu parler de ce roman, mais je ne l’avais jamais ajouté à ma PAL pour autant. L’ayant trouvé par hasard dans une librairie au moment de Noël, j’ai donc saisi l’occasion (puis j’adore les serpents ! ❤ ).

Il n’y a plus personne dans la forêt. Sauf les scarabées et autres petites bestioles, bien entendu. Eux, c’est comme si rien ne leur faisait de l’effet, ils persistent à bourdonner ou à striduler comme avant. Ils volent, ils mordent, ils sucent le sang, ils me grimpent toujours aussi absurdement sur la jambe quand je me trouve sur leur chemin, ils courent dans tous les sens jusqu’à ce que je les fasse tomber par terre ou que je les écrase. Leur monde est toujours le même — mais même cela, il n’y en a plus pour longtemps. Leur heure viendra ! Bien sûr, je ne serai plus là pour le voir, nul ne sera plus là. Mais leur heure viendra, j’en suis sûr et certain.

L’univers

Le roman se déroule dans l’Estonie médiévale, au début de l’essor du Christianisme. A cette époque, la magie existe, mais elle est menacée par la modernité (comprendre par l’agriculture et la religion chrétienne, qui sont souvent mis en opposition avec… la modernité) tandis que les Estoniens de la forêt s’en vont vivre dans les villages. Les serpents et les ours nourrissent de belles amitiés avec les humains.

J’avoue avoir été un peu désarçonnée au début par cet univers, sans doute parce qu’il est inspiré des contes et légendes estoniennes et que, très franchement, je ne connais pas du tout. Mais on se laisse très facilement absorber par le roman, pour ne plus vouloir le lâcher.

Si l’univers se targue de quelques pointes d’humour bien sympathiques, il est, au final, assez sombre et fataliste.

L’intrigue

Avant que le roman ne commence, les Estoniens vivaient dans les forêts. Ils croyaient aux génies de la nature, les filles tombaient amoureuses des ours… Et surtout, ils savaient alors la langue des serpents, qui leur permettait de prendre le contrôle sur les animaux. Mais, fascinés par les hommes de fer et les moines qui prônent Jésus et un mode de vie basé sur l’agriculture, les Estoniens de la forêt oublient la langue des serpents et s’en vont vivre dans les villages, changent de nom et vont au labour.

Le personnage principal, Leemet, assiste impuissant à la disparition de son mode de vie. Pas seulement à cause des villages, mais aussi à cause du fanatisme de certains anciens. Ainsi, l’auteur évite le raccourci des méchants villageois contre les gentils traditionalistes.

Ce roman n’est pas simplement une histoire sur la modernité contre la tradition, sur la nature contre l’homme, sur les légendes contre la religion. C’est aussi une histoire de mémoire et de solitude.

Les personnages

L’histoire est racontée à la première personne par Leemet, un habitant de la forêt, l’un des derniers à savoir la langue des serpents. Leemet est attachant, tout en étant loin du héros sans peur et sans reproches. C’est un humain, avec ses dilemmes intérieurs, ses doutes, ses qualités et ses défauts.

Mais mon personnage préféré est Ints, une vipère royale^^ (je vous ai dit que j’aimais les serpents 😉 ). Ints est assez amusante, cynique, et l’auteur a bien rendu le fait que, même si on a accès à ses paroles via Leemet, non, ce n’est pas un humain.

Quant aux antagonistes, il y en a des deux côtés, parmi les traditionalistes et les villageois. Pour autant, on a du mal à les détester tout à fait, bien que certaines de leurs actions soient détestables. Ils ne sont en réalité par foncièrement méchants, mus par la peur de voir leur monde s’envoler, l’incompréhension ou l’ignorance. Des humains, en somme.

Le style

Je ne lis évidemment pas l’Estonien, donc je l’ai lu en version française. La Vo est réputé pour être très bien écrite, très élégante, et force est de constater la grande qualité de la traduction. Le style est riche sans être ampoulé, élégant voire musical. Il accompagne véritablement l’histoire, plaisant sans se montrer trop présent.

Bilan

J’imagine que vous l’avez compris, ce roman s’est révélé un véritable coup de cœur. Intéressant, dépaysant, émouvant… Et pourtant j’étais un peu dubitative au début, notamment avec la fameuse langue des serpents qui introduit un rapport de domination avec les animaux (et en même temps, on comprend au fur et à mesure que ce n’est pas tout à fait le cas non plus).

La post-face est également très intéressante, car elle éclaire sur le côté pamphlet du roman et sur certains aspects concernant la culture estonienne. Bref, que les serpents vous fascinent ou qu’ils vous effraient, je vous conseille fortement ce livre^^

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?

18 réflexions sur “L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk

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  2. C’est super de faire découvrir des auteurs non francophones et non anglophones. Effectivement, on doit percevoir la différence de culture, surtout si cela évolue à une époque très marquée par ses coutumes et ses légendes. Est-ce qu’il se trouve en numérique ? 🙂

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  5. Je l’ai pris un peu sur un coup de tête à cause d’une amie qui en avait entendu parlé en des termes élogieux. Si le début de ma lecture a été déroutant, j’ai assez vite été fascinée par l’histoire et les thèmes abordés.

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