Les livres de la Terre Fracturée T3 : Les cieux pétrifiés, NK Jemisin

Couverture par Camille Alquier

Les cieux pétrifiés est le 3e volet de la trilogie de Science-Fantasy « Les Livres de la Terre fracturée », de l’autrice afro-américaine NK Jemisin. Paru en VO en 2017, il est sorti en VF 2018 aux éditions Nouveaux millénaires (traduction par Michelle Charrier).

Note : il s’agit de la chronique d’un dernier tome de trilogie, elle contiendra donc des spoils des tomes 1 et 2 (mais pas du 3). C’est pourquoi je vous donnerai mon appréciation de ce livre dès le début de la chronique.

Chronique du tome 1 ; Chronique du tome 2

Le retour imminent de la Lune signifie-t-il la fin de l’humanité ou au contraire sa rédemption ? La réponse à cette question repose sur les épaules d’une femme et de sa fille. La première, Essun, entend se servir des pouvoirs qu’elle a hérités d’Albâtre pour bâtir un monde dans lequel les orogènes seraient libres. Mais pour la seconde, Nassun, il est trop tard. Elle a vu ce que le monde avait à offrir de pire, et elle a accepté ce que sa mère n’admettra jamais : qu’il est corrompu au-delà du point de non-retour, et que sa destruction est inévitable.

J’avoue que j’ai mis un moment à attaquer le tome 3, alors que j’avais beaucoup aimé les deux premiers. Pourquoi ? Eh bien justement parce que je les avais aimés, je craignais un peu que le 3e tome ne soit pas à leur hauteur et que la conclusion fasse pschitt.

Eh bien ma crainte était plus qu’infondée, puisque ce tome conclut avec brio les aventures de Essun et Nassun sur la Terre Fracturée et apporte les réponses aux questions que l’on se posait sur cet univers à la fois hostile et captivant. Si vous n’avez pas encore commencé la lecture du cycle et que vous ne voulez pas vous spoiler, c’est donc ici que l’on se quitte :3

De quoi ça parle ?

Dans le tome 2, nous apprenions l’origine de la colère destructrice de Père Terre : l’humanité lui a volé son enfant, la Lune, et elle doit payer. Entre Essun et sa fille Nassun, ce sont alors deux voies qui s’affrontent. Alors que la première souhaite sauver l’humanité en ramenant la Lune grâce aux obélisques, la second l’estime définitivement perdue et préfère calmer la colère de la Terre en détruisant l’humanité grâce aux mêmes obélisques. Commence donc une course contre la montre entre la mère et la fille pour rejoindre Syl Anagist, l’endroit où tout à commencé, chacune estimant agir pour le bien, chacune ayant des raisons pour le penser.

Mon avis

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce 3e tome n’offre ni beaucoup d’actions, ni rythme effréné. Si l’enjeu presse, Essun et Nassun portent le poids de leurs épreuves des dernières semaines. Littéralement, en ce qui concerne Essun, puisque son utilisation des obélisques commence à la transformer en pierre.

D’ailleurs, on se rend bien compte ici comment leurs épreuves les ont changées, et c’est intéressant de voir que l’asociale Essun choisisse la voie de la rédemption, tandis que la petite fille Nassun emprunte celle de la destruction. Si la première a appris le pardon et l’amour au contact de sa com d’adoption, Nassun s’est brisée un peu plus à chacun de ses pas. Malgré son jeune âge, elle ne voit aucune rédemption possible pour l’humanité… même si sa volonté de protéger son mentor Schaffa pourrait lui faire envisager une autre voie (guère mieux que la première, soit dit en passant…).

Curieusement, malgré la distance et leurs rancunes respectives, elles se sont rapprochées, étant finalement parvenues à comprendre et respecter l’autre. Le thème de la parentalité est l’un des thèmes majeurs du cycle, ici principalement via la relation Essun/Nassun (et l’évocation de ses enfants décédés), et celle entre Nassun et Schaffa, bourreau pour la mère, mais père d’adoption dévoué pour la fille. Du coup, leur voyage est autant physique que psychologique, jusqu’à trouver leur double aboutissement à la fin du tome, pour un final à la fois attendu, mais efficace et émouvant (émotion d’ailleurs amplifiée par la postface où l’autrice nous parle de sa mère, ce qui rend le texte encore plus personnel).

Nous avons donc, vous l’avez compris, deux arcs narratifs. Auquel s’ajoute un 3e, celui de Hoa qui nous raconte son origine, son passé, et répond aux questions concernant l’origine des Saisons, des Mangeurs de Pierre, des Obélisques.. et de l’oppression subie par les orogènes. Il ancre d’ailleurs complètement le cycle dans la Science-Fantasy, mélangeant plus que jamais technologies et magie (et pour une fois, elles ne sont pas mises en opposition, comme on le voit souvent quand les 2 sont présentes). L’arc est déjà très intéressant pour tout ça, mais il offre aussi un autre regard sur l’Univers, un regard qui n’est pas sans faire écho à certains des aspects les plus horribles de notre propre Histoire.

D’une façon ou d’une autre, les personnages ne pourront pas se contenter d’un statu quo, et devront chambouler profondément leur société pour que plus personne n’ait à souffrir… même si cela implique de lourds sacrifices.

Bilan

Même si le tome 2 est un peu en deçà, je trouve le 3e tome aussi bon que le premier, offrant une excellente conclusion à ce cycle d’envergure.

Les thèmes qui y sont abordés tout du long, l’écologie, le poids du passé, les relations parentales, le racisme, l’oppression, l’endoctrinement… sont (malheureusement) intemporels et traités de façon très intéressants par l’autrice. Les personnages sont complexes, à la fois hantés mais s’efforçant d’améliorer les choses, profondément humains. Quant à l’univers, il se sera révélé fascinant de bout en bout, à la fois dans ses particularités sociales et « magiques », et pour son Histoire.

Bref, un cycle que je vous conseille vraiment de découvrir, et qui entre dans mon panthéon de cycles préférés.

Et ailleurs, qu’en pense-t-on ?